Les amis de Louis Guillaume

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FORTUNE DE VENT

A Jean-Daniel Maublanc
 
Tout ce que vous m’avez offert,
O vents d’autrefois, d’or volage,
Sur ma pauvreté s’accumule,
Sur la simple couche de terre
Couvant le sommeil de mes morts,
Dans le coin d’une île perdue
Où sont réfugiés les nuages
Et le présage des oiseaux
Qui sillonnaient notre bonheur.
 
Ce vide est toute ma richesse.
Il rayonne, soleil obscur.
Il suffit à gonfler les voiles
Traversant l’horizon du rêve
Et meuble les pièces désertes
D’une absence à jamais brûlante.
 
Tout ce que j’ai reçu de vous,
Tout ce que vous m’avez volé
Dans votre course aveugle, vents,
Je veux le joindre à mon trésor
De jours noirs, de nuits sans paroles.
C’est ce qui m’aide à vivre au large
Présent encore mais plein d’ailleurs,
C’est ce qui me pousse à léguer
A la mer ce grain de poussière.

© (in Fortune de vent, deuxième édition, José Corti, 1986)